Soutenance de thèse de Thomas LE REUN

Ecole Doctorale
SCIENCES POUR L'INGENIEUR : Mécanique, Physique, Micro et Nanoélectronique
Spécialité
« Sciences pour l'ingénieur » : spécialité « Mécanique et Physique des Fluides »
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Turbulence,Fluide en rotation,Noyaux planétaires,
Keywords
Turbulence,Rotating fluids,Planetary Cores,
Titre de thèse
Régimes asymptotiques des écoulements en rotation excités par forçage mécanique dans les noyaux planétaires: saturation turbulente et organisation à grande échelle
Asymptotic regimes of rotating flows driven by mechanical forcing in planetary cores: turbulent saturation and large-scale organisation
Date
Mardi 17 Septembre 2019 à 14:00
Adresse
IRPHE - UMR 7342 49 rue Joliot Curie 13384 Marseille Cedex 13
Salle séminaire
Jury
Directeur de these M. Michaël LE BARS CNRS / IRPHE / AMU
Rapporteur M. Thierry DAUXOIS ENS Lyon, Laboratoire de Physique
Rapporteur M. Stefan FAUVE ENS
Examinateur M. Jérôme NOIR ETH Zürich
CoDirecteur de these M. Benjamin FAVIER CNRS / IRPHE / AMU
Examinateur Mme Bérangère DUBRULLE CEA - SPEC
Examinateur M. Fabien GODEFERD LMFA - Centrale Lyon
Examinateur M. Joel SOMMERIA LEGI

Résumé de la thèse

De nombreux corps telluriques, dont la Terre, sont entourés d'un champ magnétique les protégeant des particules à haute énergie émises par les étoiles. Celui-ci trouve son origine dans les mouvements turbulents du noyau de ces corps, constitué de fer conducteur liquide. Les mouvements complexes de ce fluide sont souvent attribués à la convection thermique et solutale, mais ce modèle est parfois difficile à concilier avec le bilan thermique des corps telluriques, particulièrement les plus petits. Pour expliquer l'existence des champs magnétiques entourant par exemple Ganymède ou Io, les forçages mécaniques provoqués par les marées ont été proposés comme une source alternative de mouvements turbulents dans les noyaux planétaires. L'interaction de marée entre un corps tellurique et un astre compagnon se traduit par la déformation du premier donnant un bourrelet qui suit le mouvement de l'astre compagnon, celui-ci orbitant à une vitesse différente de la rotation du corps considéré. C'est le cas par exemple du système Terre-Lune : le bourrelet de marée terrestre suit l'orbite de la Lune et accomplit une rotation en 27 jours, tandis que la période de rotation de la Terre sur elle-même est de 1 jour. L'interaction de marée cause également des variations périodiques de la durée du jour appelées "libration". Des études précédentes ont montré que ces deux effets (la rotation différentielle et la libration) excitent des résonances paramétriques d'ondes inertielles, ces dernières étant des oscillations spontanées causée par la force de Coriolis. Ce mécanisme de résonance est appelé "instabilité elliptique". Les ondes inertielles croissent exponentiellement pour finalement s'effondrer en turbulence. Bien que la saturation de l'instabilité soit la phase la plus importante pour comprendre la génération de champ magnétique et l'évolution orbitale des planètes, elle reste mal comprise. Les travaux présentés dans cette thèse visent à mieux caractériser la turbulence résultant de la saturation de l'instabilité elliptique, qui plus est en s'approchant des régimes pertinent pour la géo- et l'astrophysique lorsque le forçage de marée et la dissipation visqueuse sont faibles. Cette étude de la saturation de l'instabilité elliptique est menée à travers des expériences et des simulations numériques idéalisées, complétée par des développements théoriques. Les expériences révèlent que deux régimes existent dans la saturation de l'instabilité. Le premier est dominé par des vortex invariants suivant l'axe de rotation, qualifiés de "géostrophiques". Le second est dominé par des ondes inertielles en interaction non-linéaire, un état appelé "turbulence d'ondes". Pour mieux comprendre ces deux états et mieux caractériser les interactions entre ondes, nous complétons les expériences par des simulations numériques dans un modèle local cartésien d'un noyau soumis aux forces de marées. Celui-ci nous permet de produire les deux types de saturation et de pousser davantage l'exploration des régimes de faibles forçages et dissipation. Nous montrons de plus que la transition entre les deux régimes peut être attribuée à une instabilité qui disparaît au-dessous d'une amplitude de forçage non-nul. Nous explorons également la possibilité pour que les écoulements géostrophiques soient directement forcés par les ondes résonantes, mais nous montrons que ce mécanisme n'est pas dominant dans les régimes géophysiques. Nous concluons par conséquent que le régime de turbulence d'onde est attendu dans les noyaux planétaires. Enfin, nous étudions la stabilité des couches fluides stablement stratifiées subissant des déformations de marées. Nous montrons l'existence de résonances paramétriques d'ondes internes, ces dernières étant dues à une compétition entre inertie et gravité, analogues à l'instabilité elliptique. Nous montrons par des simulations numériques idéalisées que les ondes résonantes donnent lieu à une turbulence d'ondes internes lorsque l'instabilité sature.

Thesis resume

Many terrestrial bodies, including the Earth, are surrounded by a magnetic field protecting them from high energy stellar particles. It originates in the turbulent motion of the liquid, conducting iron core of these planets and moons. The complex motion of liquid iron in planetary cores is often thought to be driven by thermal and solutal convection, but such a model is sometimes hard to conciliate with the heat budget of terrestrial planets, especially the smaller ones. To explain the existence of magnetic fields surrounding small moons such as Ganymede and Io, mechanical forcing induced by tides has been proposed as an alternative source of turbulence in planetary cores. Tidal interaction between a terrestrial body and a companion results in a distortion of the shape of the body, a deformation that remains mostly directed towards the companion and may rotate at a different rate compared to the planet or the moon spinning rate. This is the case for instance of the Earth-Moon system: the Earth’s tidal bulge rotates at the Moon’s orbiting rate (in 27 days) whereas the Earth’s spinning rate is much larger (1 day). Another effect of tidal interaction is to force periodic variations of the length of the day, an oscillation called “libration.” These two effects (differential rotation and libration) have been shown to excite parametric resonance of inertial waves, the latter being spontaneous oscillations of rotating fluids interiors induced by the restoring action of the Coriolis force. This resonance is called the “elliptical instability.” The inertial waves grow exponentially and eventually collapse into turbulence. Although the saturation of the instability is the most important state for dynamo action and orbital evolution of planets, it remains poorly understood. The work presented throughout this dissertation aims at better characterising the turbulence resulting from the elliptical instability, in particular in regimes that are relevant to geo- and astrophysics when both the tidal forcing amplitude and the viscous dissipation are weak. This investigation of the non-linear saturation of the parametric resonance is carried out with experiments and idealised numerical simulations, complemented by theoretical investigations. In the experiment, we reveal that two regimes exist in the saturation of the instability. The first one, which is classical of turbulence in rotating fluids, is dominated by strong vortices invariant along the rotation axis, or “geostrophic.” Additionally, we exhibit a new regime which is dominated by inertial waves in non-linear resonant interactions, a state called “inertial wave turbulence.” To extend our understanding of these two states and to fully characterise the inertial waves interactions, we proceed to idealised numerical simulations in a local cartesian model of tidal flows. It allows producing the two regimes of saturation and exploring the weak forcing and dissipation regime. With this ideal model, we show that the transition between the two regimes mentioned earlier is caused by an instability that vanishes below a finite forcing amplitude. We also explore the possibility for direct forcing of strong geostrophic motion by the resonant waves directly, but our simulations suggest that they should not dominated in the geophysical limit. We therefore conclude that the superposition of inertial waves type of saturation is the relevant one for planetary cores. We finally investigate the stability of stably stratified planetary cores undergoing tidal distortion. Similarly to the elliptical instability, we exhibit a resonance of internal waves, which are oscillations caused by the stable density stratification. We show with idealised numerical simulations that the resonant waves give rise to internal wave turbulence in the non-linear saturation of the instability.